Note: le texte paru sur Mr. Mondialisation en avril dernier était un condensé du texte intégral qui suit.
Résumé sur Mr. Mondialisation:
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Texte intégral d'origine:
Rencontrer l’autisme
et le syndrome d’Asperger
Bien que l’autisme et le syndrome d’Asperger (ce dernier
n’existe plus sous cette dénomination dans le domaine médical actuellement)
soient des termes de plus en plus fréquemment lus et entendus, leur connaissance
réelle demeure à un niveau embryonnaire auprès du grand public. Seules les
personnes vivant au quotidien avec cette condition neurologique différente et
leurs proches peuvent en mesurer l’impact réel sur la vie de tous les jours. Il
est d’ailleurs très compliqué d’en donner une définition simple, rectiligne et
englobant hermétiquement l’ensemble des caractéristiques autistiques. Le
présent article esquissera donc un portrait global et général de l’autisme.
Bien qu’à chaque jour que l’astre solaire nous apporte on
associe le terme de maladie à l’autisme, il est plus approprié de parler d’un
état d’être différent. Car l’autisme touche toutes les sphères de vie de la
personne : ses relations sociales, sa perception du monde, sa manière de
communiquer et ses champs d’intérêt. L’autisme apparaît dès la naissance de
l’individu et demeure avec lui tout au long de sa vie. Actuellement, nous côtoyons
probablement des personnes autistes, de tous âges. La méconnaissance du sujet
peut amener à porter à leur endroit des jugements lourds et empêcher de tisser
des liens avec eux.
Des êtres uniques
Il est primordial de garder en tête en premier lieu que
chaque personne autiste est différente et a son identité propre. Les personnes
autistes sont aussi variées et uniques que chaque flocon de neige lors d’un
puissant blizzard. Il ne s’agit donc pas d’un groupe homogène, car nous
retrouvons des personnes introverties, timides et réservées et d’autres
extraverties, volubiles et recherchant volontiers la compagnie d’autres personnes,
autistes ou non.
Personne n’accepte, homme ou femme, individu de toute
croyance religieuse ou allégeance politique d’être cantonné à des
stéréotypes-clés pour être défini dans son essence propre. Il en va de même
pour les personnes autistes à qui le fantôme trop stigmatisant de
« rainman » semble demeurer la référence populaire par excellence
auprès du grand public. Ce profil très typé et caricatural ne correspond
partiellement qu’à une infime minorité d’individus autistes. Au contraire,
l’autisme se décline en une palette infinie de teintes, ce qui en rend la
détection et la compréhension d’autant plus complexe. D’ailleurs, de nombreux
adultes actuellement sur le spectre autistique ignorent encore en faire partie.
La grande majorité d’entre eux, ceux qui sont des adultes fonctionnels,
ignorent leur affiliation à l’autisme, mais se sont toujours sentis différents
et décalés chaque jour de leur existence par rapport à leur entourage.
Des intérêts
particuliers
Malgré leur unicité, certains traits communs viennent
définir les personnes autistes par rapport aux individus appelés dans le milieu
neurotypiques (non-autistes, donc, la
population plus « standard »). En premier lieu, les personnes
autistes ont ce que l’on nomme des intérêts « restreints », que nous
pouvons rebaptiser plus positivement des intérêts spéciaux ou des intérêts
particuliers. Alors que monsieur et madame Tout-le-monde a ses domaines de
passion, mais peut bavarder avec une certaine aisance de tous les sujets variés
possibles, les personnes autistes sont moins généralistes dans leurs lectures
et leur utilisation de leurs temps libres et se focalisent vers un ou quelques
centres d’intérêt spécifiques qu’ils tendent à approfondir jusqu’à une expertise
étonnante. Ces intérêts ne sont pas non plus soumis aux modes et aux influences
environnantes. Une adolescence pourrait devenir éprise de poésie du 19e
siècle ou de cinéma des années 20 même si elle est la seule à des kilomètres à
la ronde à y porter intérêt. Les individus autistes peuvent ainsi discourir
durant des heures sur leur sujet de passion du moment, mais devenir plus
mutiques lors de la petite conversation sociale ordinaire. Cette particularité
tend à rendre les contacts sociaux plus ardus, car la personne autiste ne
naviguera pas naturellement d’un sujet à l’autre lors d’une conversation régulière.
Il est donc important de noter que cette particularité n’est pas un étalage
prétentieux, mais un partage de l’information connue. Les difficultés à
entretenir des conversations légères sont davantage liées à une méconnaissance
de l’usage social qu’à une tendance volontaire à refuser le contact informel.
Les personnes autistes ont des sujets d’intérêts très
différents les uns des autres, bien au-delà de l’image du garçonnet qui mémorise
des horaires de trains ou qui ne parle que de dinosaures durant tout
l’après-midi. Certains œuvrent dans des domaines artistiques, alors que d’autres
choisissent des disciplines plus techniques comme champ d’intérêt et comme
activité professionnelle, que ce soit l’informatique, l’ingénierie ou les
sciences sous toutes les formes possibles. Même si les activités à caractère
factuel sont souvent privilégiées, la créativité et l’imagination sont bien
présentes chez la plupart des personnes autistes. Il est faux de croire que les
personnes autistes n’ont aucune imagination, plusieurs d’entre eux peuvent
devenir d’excellents artistes dans des domaines comme la musique ou les arts
visuels.
Des difficultés
relationnelles
Là où la plupart des personnes autistes ressentent leur
différence, c’est au niveau de leurs relations sociales. Se faire des amis, les
conserver, entretenir les relations amicales et amoureuses sur le long terme peut
devenir un véritable défi herculéen. Alors qu’il est inné chez la majorité des
gens d’apprendre en bas âge par essai et erreur comment gérer ses relations
humaines, la personne autiste a besoin d’un mode d’emploi clair et explicite
sur les attitudes à prendre et la manière d’aborder les gens et d’interagir
dans diverses situations. Sa manière de s’exprimer différente des attentes
sociales peut nuire au développement de relations durables et il est important
de comprendre ici également qu’il n’y a aucune mauvaise volonté au niveau de la
communication. Il s’agit juste d’un naturel qui est moins présent.
L’autiste n’a pas, par exemple, le réflexe de saluer ses
contemporains lors d’une rencontre ou de répondre à la question « comment
ça va? » selon l’usage entendu voulant que tout aille bien et de retourner
la politesse, peu importe sa situation véritable et son état d’esprit du
moment. Au contraire, il peut fréquemment arriver qu’à cette question se
voulant poliment neutre, la personne autiste apporte une réponse détaillée sur
son état de santé physique, sur ses soucis personnels trop intimes et donne des
informations jugées socialement inadmissibles. Cette difficulté à absorber
naturellement les signes sociaux admis dans son entourage comme étant implicites,
donc jamais verbalisés, peut apporter beaucoup de rejet et de discrimination dans
les milieux scolaires ou professionnels.
Une manière
alternative de communiquer
La personne autiste a davantage tendance à dire la vérité
sans la filtrer, donc d’apporter des commentaires qui peuvent être mal perçus,
considérés comme impolis, provocateurs et inappropriés. La méconnaissance des
usages sociaux amène la personne autiste à donner des informations utiles à ses
yeux, par exemple de dire franchement à une collègue que sa coiffure n’est pas
seyante ou qu’elle est totalement dans l’erreur concernant la manière de
rédiger son rapport de ventes. Le manque d’emballage mielleux risque de faire
paraître la personne autiste comme étant donc rustre, indélicate et
volontairement arrogante. Ce qu’il faut retenir, c’est que pour elle, elle n’a
fait que rétablir la vérité et qu’elle n’a pas l’intention de blesser ou
d’infliger une égratignure à l’amour propre de l’autre. C’est ici la véracité
des faits qui est de première importance. Dans cette optique, les personnes
autistes sont également particulièrement honnêtes et fiables.
Extérieurement, certains traits peuvent se remarquer chez
plusieurs personnes autistes, dont un malaise physique au niveau de la
gestuelle, comme de ne pas savoir à quelle distance des autres se placer dans
un cercle de discussion. Également, il peut arriver que l’on décèle des
différences dans son intonation de voix, parfois moins nuancée et plus monocorde
ou parfois en parlant trop fort alors que son interlocuteur se trouve à moins
d’un mètre d’elle.
Dans la réception de la communication, de nombreux défis
attendent également la personne autiste. Souvent, l’ironie, les double-sens, le
sarcasme, peuvent ne pas être perçus. Une personne autiste pourrait ne pas
réagir à une provocation verbale en apparence évidente pour les autres ou au
contraire surréagir à une taquinerie innocente en ne percevant pas l’intention
véritable de son interlocuteur. Elle peut se justifier alors qu’il ne s’agit
que d’une blague sans malice. Car déceler l’intention de l’autre est souvent une
course à obstacles où il est aisé de trébucher à répétition. L’incompréhension
des intentions de l’autre peut rendre l’autiste particulièrement vulnérable aux
abus, aux moqueries et à l’intimidation, voire au harcèlement. On le présume
naïf, car souvent il ne sait pas se défendre alors que son cerveau tourne en
boucle à la recherche de toutes les hypothèses logiques et potentielles d’une
interprétation au premier degré. Sa pensée n’est pas programmée à la base pour
saisir d’emblée le second degré, à moins d’être actionnée manuellement.
L’empathie
Une des problématiques souvent soulevées est que les
personnes autistes ne sont pas empathiques. Pourtant, la réalité est qu’elles
sont extrêmement sensibles aux injustices et aux situations difficiles de la
vie. Il n’est pas rare de confondre l’empathie avec la sympathie et de croire
que la personne autiste, si elle n’utilise pas les termes consolateurs espérés,
n’est pas empathique à son prochain.
Beaucoup de personnes autistes, même si elles ne donnent pas
une petite tape dans le dos et ne disent pas avec un triste regard « ma
pauvre de toi, je te comprends tellement », ressentent profondément la
détresse et le besoin d’aide de l’autre. Parfois, le manque de réactivité
provient d’une incapacité à saisir quelles sont les réactions à démontrer et
quelles sont les attentes à combler dans la situation présentée. D’autres fois,
ce sont les conseils pratiques qui seront prodigués, même si la personne
attristée ne ressent que le besoin de parler et de partager ses émotions. Plus
encline à être rationnelle, la personne autiste peut avoir le réflexe premier
de donner une marche à suivre pour régler le problème énoncé au lieu de mettre
ses bras autour de la personne affligée et de se contenter d’une écoute toute
simple. Cette réaction, loin d’être une marque de manque d’empathie, est la
réponse humaine d’un individu qui ne vous dira jamais « tout va bien
aller, ne t’en fais pas ». Surtout s’il n’a pas le pouvoir justement de
faire disparaître la problématique en cours.
L’apparence de
« normalité »
Plus la personne est considérée comme étant sur la partie
haute du spectre autistique (autisme de haut niveau, syndrome d’Asperger,
autisme léger, etc.), plus son autisme paraît diffus et risque d’être oublié
dans les petits gestes du quotidien. Même avisé de l’autisme d’un proche, une
tante, un ami, un grand-père pourrait oublier l’autisme de cette personne et ne
pas comprendre son mode de fonctionnement différent.
Il est donc courant que les personnes autistes, en prenant
conscience des attentes sociales qui leur sont étrangères, se sentent démunies.
Comme l’autisme ne parait pas de l’extérieur sauf pour un œil averti et lors de
circonstances particulières, la personne se voit attribuer des défauts qui ne
sont pas les siens. L’interprétation de ses gestes et paroles étant tributaires
de la manière standard d’interpréter l’autre. On dira que cette personne est
capricieuse si elle se démontre incapable de faire une tâche considérée facile
pour la majorité des gens, comme d’avoir à répondre au téléphone à la maison.
On pourrait la juger comme étant prétentieuse, car elle a des sujets de
conversation plus pointus et intellectuels et qu’elle en parle beaucoup, alors
qu’elle ne fait que partager ce qui lui plaît. Les difficultés d’un adolescent
à approcher ses camarades de classe pourraient lui valoir la réputation d’être
froid, hautain et indifférent aux autres personnes. C’est à ce stade que le
jugement est rugueux et brutal pour la personne autiste; elle est évaluée selon
les critères habituels qui ne concordent pas avec sa manière différente d’être.
Intérieurement, la personne autiste peut développer des
troubles anxieux, car il est complexe pour elle d’interpréter le monde dans
lequel elle évolue. Sa manière de voir le monde passe davantage par la logique
et tout ce qui n’est pas rationnel peut la consterner. Elle a besoin de
repères, et les changements de dernière minute et les imprévus peuvent venir
chambouler ses plans et créer un profond désarroi. On oublie également ses
particularités sensorielles, car souvent les bruits ambiants sont plus
agressants pour elle. Elle peut être extrêmement sensible à la lumière vive ou
au contact de certaines matières ou au contact physique. Alors, elle devient
hautement réactive à des stimuli qui généralement ne dérangent personne. Les
restaurants bondés, les centres commerciaux où elle se fait bousculer, les
lieux inconnus, tout peut la déstabiliser à tout instant.
En résumé, il est là le grand défi humain : intégrer
les personnes autistes de tout niveau, leur permettre de demeurer elles-mêmes,
de développer leur plein potentiel selon leurs forces propres et les accepter
sans discrimination. C’est cesser de les faire entrer dans un moule qui ne
correspond pas à leur forme et au contraire les aider à prendre leur place dans
le monde en les aidant à bonifier leur potentiel d’adaptation tout en tenant
compte des limites et des besoins de chacun. Car les autistes ont toujours été
présents, sans aucun doute, à toutes les époques de l’histoire de l’humanité. Il
y a fort à parier que c’est le monde moderne qui les met davantage aujourd’hui en
évidence…